Aucun des derniers capitouls en place n'est nommé officier municipal, ni même notable. Le désir de changement l'emporte. Dans cette ville où les anciennes classes dirigeantes -clergé, gentilshommes, robins- ont été balayés en 1790, un fort noyau jacobin soutient les autorités révolutionnaires. Il résistera à la réaction thermidorienne et conservera le pouvoir jusqu'au Consulat. L'autonomie municipale, déjà dans les esprits en 1789, affermie par l'organisation de 1790, décline en 1793, l'autorité des proconsuls venus de Paris s'impose à la ville. Les enseignements de l'ouvrage, au-delà des horizons de la ville rose, illustrent le fonctionnement d'un système public en période révolutionnaire. Des minorités conscientes et déterminées maîtrisent les "lieux de pouvoir". Un système complet de conditionnement encadre les esprits, canalise les enthousiasmes et les fureurs. Les administrateurs usent de leurs attributions pour "comprimer" leurs adversaires. Les libertés publiques, glorifiées en 1789, sont réservées aux "vrais républicains". Perquisitions, dénonciations, condamnations constituent la toile de fond de la vie quotidienne. Tous les anciens notables ont à craindre. Tout adversaire, tout mercanti, tout mécontent est pourchassé comme ennemi du peuple et châtié comme tel. La nouvelle municipalité a fort à faire. Les déceptions ne manquent pas malgré la pompe des célébrations officielles. La ville est amputée de son Parlement, de sa fonction multiséculaire de capitale régionale. Dans ce qui fut la grande cité catholique, partisans et adversaires du clergé "réfractaire" s'affrontent. Les positions se radicalisent. Les patriotes l'emportent et utilisent selon leur intérêt le poids des institutions qu'ils maintiennent.
Philippe Nelidoff, La municipalité de Toulouse au début de la Révolution, Toulouse, Presses de l'Université des Sciences sociales de Toulouse, 1996, 291 p.