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Le secret médical

Quelques éléments sur le secret médical par Sophie Paricard MCF HDR en droit privé, CUJF Champollion Membre de l'IDP
Eléments d’histoire :

Le secret médical est une composante de l’éthique médicale depuis la tradition hippocratique (Vème siècle AVJC): « quoi que je voie ou entende dans la société pendant l’exercice ou même hors de l’exercice de ma profession, je tairai ce qui n’a jamais besoin d’être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas ». Mais ce principe a connu des métamorphoses successives.

Le secret concernant tout ce que le médecin avait pu découvrir est resté longtemps une norme de conduite déontologique échappant à la sanction du droit. Il est ensuite devenu une obligation pénalement sanctionnée depuis le Code pénal de 1810. Ce n’était pas pour autant un droit subjectif pour les personnes soignées.

Dans le cadre de la conception qui a émergé à la fin du XIXème siècle, le secret relevait encore alors du paternalisme médical : le secret est la chose du médecin et échappe au malade. Le médecin seul a la charge des intérêts du malade et détermine seul ce qui est bon pour ce dernier et par voie de conséquence ce que le malade peut entendre.

Cette règle a donc traversé les siècles et a été reprise dans les textes déontologiques internationaux de l’Association médicale mondiale (1949) et figurait dans le Code de déontologie médicale de 1941. Elle a disparu dans les codes suivants mais la jurisprudence et la déontologie l’ont maintenue. Cette même vision se retrouve dans l’article 42 de l’ancien code de déontologie de 1979 : « pour des raisons légitimes que le médecin apprécie en conscience, un malade peut être laissé dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave ».

La thèse individualiste voyant dans le secret médical un droit subjectif du patient et plus largement un aspect des droits de l’individu à l’intimité de sa vie privée et à la dignité s’est ensuite imposée suite à l’émergence de ces notions en droit et à l’affirmation du consentement éclairé du patient.

Le secret existe désormais dans l’intérêt du patient qui a le droit d’être complètement informé sur son état. Le Conseil d’Etat et la Cour de cassation ont statué ensemble en ce sens par deux arrêts en 1972 : « c’est du malade seul que dépend le sort des secrets qu’il a confiés à un médecin » ; « l’obligation de respecter le secret médical est édictée en la matière dans l’intérêt du patient et elle ne saurait être opposé à celui-ci ».

L’évolution est nette dans le Code de déontologie médicale de 1995 qui pose que l’information est due par le médecin à son patient et ne reconnut d’exception qu’à titre de motifs graves aujourd’hui supprimée. C’est l’affaire du « Grand secret » sur le cancer de la prostate du président Mitterrand révélée en janvier 1996 par le docteur Gubler, son ancien médecin traitant, qui a lié le secret médical et l’intimité de la vie privée quel que soit le rang, la situation de la personne. La loi du 4 mars 2002 a consacré ce changement en faisant du secret médical un véritable droit subjectif reconnu aux patients.

Droit positif

Le secret médical est un véritable droit subjectif posé dans l’intérêt du patient.
Désormais, « toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant » (C. santé publ., art. L. 1110). Ce secret médical est donc large en ce qu’il s'impose donc à tout professionnel de santé, ainsi qu'à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. Sont donc soumis au secret non seulement les membres des professions médicales et le personnel soignant en général (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, infirmières, masseurs-kinésithérapeutes, audioprothésistes, orthophonistes, orthoptistes, pharmaciens, aides-soignants et étudiants de toutes ces professions), mais aussi toutes les personnes qui interviennent, à quelque titre que ce soit, dans le système de santé.

Cette obligation de se taire est même pénalement sanctionnée à l’article 216-13 du Code pénal : « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».

L'obligation au secret professionnel est également un devoir déontologique du médecin proclamée à l'article 4 du code de déontologie ( C. santé publ., art. R. 4127-4), issu du décret du 6 septembre 1995. Cet article dispose « le secret professionnel, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris ».

Outre certaines dispositions spéciales relatives notamment à la lutte contre la toxicomanie, ou la délinquance sexuelle, c’est l'article 226-14 du code pénal qui prévoit des dérogations aux secret médical : « l'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret». Il énonce deux cas de dérogations légales.

Il est ainsi permis médecins de dénoncer certaines infractions énumérées dans les dispositions du 1° et 2° de l'article 226-14 du code pénal : les mauvais traitements, privations et sévices de toutes sortes infligés à un mineur ou à une personne vulnérable, « y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles ».

Mais ces deux dérogations constituent une faculté, non une obligation de dénoncer les faits constatés. Le signalement doit être effectué aux autorités judiciaires, médicales ou administratives, s'il concerne un mineur ou un majeur vulnérable, au procureur de la République s'il concerne une autre personne. De plus, le texte prévoit seulement le signalement des faits, pas de leur auteur.

Les articles 10 et 44 du code de déontologie ( C. santé publ., art. R. 4127-10 et R. 4127-44) prévoient également des cas de levée du secret, par l'exercice d'un devoir de dénonciation, lorsque des sévices ou des mauvais traitements sont constatés. Ils sont plus rigoureux que les dispositions précitées puisqu'ils ne se contentent pas d'autoriser les médecins à signaler les faits mais leur imposent de le faire.

La troisième dérogation a pour objet de dénoncer les porteurs d’armes dangereux. Selon l'article 226-14 du code pénal, ne peuvent être en effet poursuivis les « professionnels de la santé ou de l'action sociale » qui informent le préfet (et à Paris, le préfet de police), « du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une ».

Sophie Paricard
MCF
HDR en droit privé, CUJF Champollion
Membre de l'IDP


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